Mourad Hannachi - Organiser les paysages par l'anarchie pour gérer les bioagresseurs
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Résumé
Organiser" les paysages par l'anarchie pour gérer les bioagresseurs
Les enseignements du cas des rizières du YuanYuang
Mourad Hannachi, Chargé de recherché INRAE, UMR SADAPT,
INRAE, AgroParisTech , Université Paris Saclay
Depuis les années 1970 plusieurs travaux développent l’hypothèse que la mise ne place d’une plus grande biodiversité cultivée dans les territoires agricoles permettrait une agriculture plus durable reposant sur moins de pesticides (Zhu et al, 2000 Mundt 2002 Keesing et al, 2006). Pour une espèce agricole donnée, l’utilisation d’une plus grande diversité de variétés permettrait de diminuer la sévérité et la fréquence des attaques des bioagresseurs via un effet dit de « dilution » génétique des populations de bioagresseurs virulents (McDonald et Linde, 2002). Néanmoins cet effet de dilution, qui apparait comme une solution théorique, peine à s’opérationnaliser dans les agrosystèmes modernes et nécessite une transformation importante des institutions socioéconomiques façonnant la biodiversité cultivée (Vanloqueren et Baret, 2009). Ainsi malgré l’essor des publications scientifiques et des expérimentations sur l’intérêt d’un enrichissement de la biodiversité dans les territoires pour gérer durablement les bioagresseurs cette solution n’a jamais été testée dans de très larges échelles. De ce fait, l’opérationnalisation et la viabilité de cette agriculture durable reposant sur plus de biodiversité dans les territoires sont critiquées.
A travers l’étude d’un agrosystème traditionnel rare, celui des rizières du Yuanyuang en Chine (projet SMaCH « Riz éternel »), ce travail permet de montrer qu’une agriculture plus durable, basée sur une large biodiversité cultivée peut s’opérationnaliser sur un territoire agricole et permettre un contrôle des maladies sans pesticides. Nos travaux montrent que des paysages riches en biodiversité intraspécifiques sont un élément clé de cette durabilité. Les résultats montrent que la biodiversité intraspécifique repose sur des normes sociales considérant les semences comme un bien commun. Au niveau fonctionnement des institutions humaines nous démontrons l’existence de « mixed form markets » (Marwell and McInerney 2005) où les acteurs visent un nexus gains économiques durables et services écologiques. Nous identifions des tipping points (ou point de basculement socioéconomiques (Dai et al 2012) entre état de préservation de l’effet de nexus et celui de déstabilisation (diminution de la biodiversité et recrudescence des maladies et de leur sévérité). La découverte de ces tipping points socioéconomiques démontre à la fois la viabilité socioéconomique de l’effet de dilution permis par la gestion paysagère de la biodiversité mais aussi sa fragilité.
Pour en savoir plus :
- Hannachi M., Dedeurwaerdere T., 2018. « Des semences en bien commun pour une gestion durable des maladies » numéro spécial « Du vivant au social les semences en question », Revue Études rurales, numéro 202 P. Des semences en commun pour gérer les maladies | Cairn.info
- Dedeurwaerdere T., Hannachi M., 2019. « Socio economic drivers of coexistence of landraces and modern crop varieties in agro biodiversity rich Yunnan rice fields”, Ecological Economics, Volume 159, May 2019. Pages 177-188. https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0921800918301794